Arrivé, enfin arrivé…

Clap de fin de la Mini 2021… Gaël dresse son bilan sans filtre

 

Quelle aventure !

Déjà arrivé… C’est aussi passé très vite…

Quelle aventure ! Humaine d’abord, puis sportive et technique.

Quoi dire ? comment résumer ?

Impossible de faire le tri dans la montagne d’émotions, de sentiments et de souvenirs qui s’entassent…

Je m’excuse, c’est long à digérer, à résumer, à trouver les bons mots…

L’incroyable bonheur d’être attendu par compagne et filles, qui n’aide pas à trouver d’objectivité dans tous ce charri vari d’émotions…

Oui, c’était grandiose exceptionnel, existant, grisant, enivrant…

Oui, j’ai râlé, je me suis énervé, j’ai hurlé, j’ai pleuré

Mais je n’ai aucun regret, ni en terme de stratégie, ni en terme de préparation…

Il y a toujours quelque chose de magique à arriver quelque part en bateau, ça e devient d’autant plus quand ce quelque part est l’autre bout de l’Atlantique et que c’est en solo….

On ne fait pas cette course en solitaire

Mais on ne fait pas cette course en solitaire… Loin de là…

On pense tout le temps à ceux qu’on aime, ceux qui nous suivent, les coaches, les potes, qui « mettent la pression », la bonne, celle pour laquelle on se bat et on se dépasse.

Grâce à eux, même « aux fraises », faut JAMAIS lâcher !

Être fier de bien naviguer, jusqu’au bout .

Je le suis, j’ai fait des erreurs, mais je me suis battu, jusqu’au bout pour garder le fil du vent…

J’ai pas honte d’avoir un peu raté ma stratégie.

Je suis très fier que le bateau aie fait tout ces milles sans avaries majeures.

Ce n’est ni le résultat ni la route qui compte, seul le chemin…

Ce chemin, parcouru depuis juin 2018 où j’achetais mon bateau STINKFOOT…

Ce chemin, parcouru, depuis 2005 ou l’on mettais à l’eau le Mini de Fabien et depuis 2005 ou, pour la première fois, Fabien m’emmenait sur une course Mini….

Ce chemin, parcouru ensemble cette année, avec vous qui m’avez aidé, poussé, soutenu, encouragé dans cette aventure un peu folle….

Ce chemin, qui enfin, tout au bout, apporte la fierté et le soulagement du travail accompli….

Comment s’est déroulée cette étape ?

29 octobre

Départ dans des alizés faiblards, du ressac et au vent de l’île, dans une zone tampon : Je pars bien, mais gêné, je peux pas attaquer…

30 octobre

Première nuit, près des dévents du Teide (sommet de Tenerife), je revient dans le bon paquet suite à un bon coup avec les vents catabatiques, rasant El Hierro tribord amure.

Une dorsale anticyclonique s’étire vers le Sud Ouest. Il est intéressant d’en exploiter la courbure. Il est dangereux de la traverser car en son axe il n’y a vraiment pas de vent. Au loin, un Talweg… c’est un dépression « qui tourne pas rond », qui à une forme d’avocat. Dans la pointe de l’avocat vers le Sud, Grain, clames et mer croisée assurée…Tôt ou tard faut faire du Sud, c’était évident.

1er novembre

Je choisi d’accompagner le paquet de tête (Leo, Brieuc, Cécile, Hugo …) par le Sud Ils auront la courbure en premier, je garderai plus de pression…

2 novembre

Les infos sur la positions des autres en Mini sont difficiles à obtenir, et aléatoires… Lorsque j’ai compris qu’ils avaient empanné… l’info était périmée de 36h. Aïe, je suis donc dans leur Nord ! On est le 4e soir ! Ils ont croisé devant, je l’ai pas perçu, je pensais au moins en voir un ou deux à l’AIS…Les gros parieurs du Sud (Jean, Loic, Alberto) sont loin derrière….

Il y a une onde d’est, annoncée à la latitude du Cap Vert…. Ça détériore l’alizé, l’écrase vers le haut, Il faut rester absolument rester dans le Nord d’une Onde d’Est, la partie la plus intéressante étant son Nord Est, car on y trouve des vents de Sud Est… Je me confirme ne pas avoir envie de descendre au Sud de manière radicale et immédiate… On a le temps de jouer, d’attendre les bonnes bascules…

3 novembre

6ème jour, les gros parieurs, les sudistes, remontent en flèche dans le classement… ils ont empanné, ils ont de la pression L’onde d’est, le soir, est annoncée disparue le lendemain… J’ai un coup de retard aussi là bas…

L’anticyclone qui « écrase le Thalweg se détériore, remonte. S’étale sur tout l’Atlantique d’Est en Ouest…Soit j’accepte 24h de retard dans le Sud, soit je « joue » l’arrivée d’un nouveau phénomène (l’anticyclone se renforce, mieux encore, une dépression se forme au Canda/US et l’écrase vers nous…

7 novembre

9ème jour de course : En jouant les angles, j’arrive à faire route suffisamment Sud pour être 60M sous l’extrémité du Talweg… Ça colle avec certains routages, certains avis d’analyste… Il va bien finir par bouger… Par s’évacuer… Poussé par autre chose…

Et bien non… Il n’a jamais bougé « l’enclumé » de Thalweg. Il s’est même « soudé » à l’anticyclone qu’on quittait aux Canaries… Enorme Dorsale des Canaries aux Bahamas… une barrière colossale pour tout espoir d’alizés…

12ème jour de course… Enfin, je retrouve du vent… par 51W… J’étais dans les 40èmes au classement, enfin le Talweg s’évacue.

Classement surprenant, inattendu, avec des champions derrières, des novices devant qui tiennent le coup… Incompréhension, je recule…Je me bats, mais je recule…Je me raccroche à la chance que j’ai d’être là, à faire ce que j’ai voulu. Pour les gens qui m’ont aidé, suivi, soutenu. J’ai pas le droit de lâcher…Ne jamais avoir de regret non plus

J’ai pris une raclée… C’est pas la première…. Ni la dernière ! C’est qu’une régate…. C’est qu’un jeu… Le jeu dure encore 6 jours… On sait jamais, c’est jamais fini… Une dorsale, une mole, un tampon… Y’a toujours moyen… Faut tenir…

12 novembre

13ème jour de course, enfin rentrent les alizés … Les chances de bouleversement total diminuent, mais le plaisir d’aller vite augmente… La mer est encore défoncée, croisée, dure, technique… Je sais faire…

Le bateau est sollicité, il faut réduire… Je perds mon anémo dans un vrac…Quand je dors, je perds soit 3kt, soit 10° de descente… Mais quand je barre ça va vite… très vite. Je repousse les limites hautes de l’utilisation de chacune de mes voiles… Notamment celles de mon spi Médium, « Da Purple Blaster »

13 novembre

Ça bourrine ! Enfin ! Vitesses dignes, eau salée sur le pont, la gîte…Ça m’avait manqué ! Faut pas réfléchir, faut barrer. Ça me fait du bien, pas réfléchir et bourriner. C’est simple, vie d’ascète, alimentation minimum, sommeil minimum. Le bateau va vite, il est facile malgré la mer pourrie.

Je me fixe des objectifs pour tenir réveillé : 10min à la barre avant de dormir. Encore 1h et je me fais une clope. Je chante, je gueule, je me jette des seaux d’eau… Il faut dormir entre 7h et 12h, au matin, car il y a moins de grains. J’ai bien capté comment appréhender les grains, tant que j’arrive à les discerner… J’ai des angles limites, des axes, des repères pour savoir si je cherche à passer devant ou empanner avec. Je joue juste, à chaque grain quelques milles grappillés.

Tiens, un grain où je me suis vraiment raté : je reste sous spi, et malgré les 2 ris, j’enfourne. La vague que je dévale me rattrape, me submerge… L’eau rentre de partout… Vrac absolu à bord, départ à l’abattée, mât à l’horizontal, aérien dans l’eau…une centaine de seaux d’eau dans le bateau… Pas le temps de se plaindre, faut faire vite… Rien cassé ? Non. on remet le bout pointu dans le bon sens et on remet la poignée dans le coin, de toute façon, il ne reste plus que 3j à tenir…. Me suis bien fait peur quand même…

Petit spi ? Grand spi ? comme dirait l’autre, « Y’a que sur scène qu’Hendrix pétait ses guitares » donc, oui, on remet le spi max, c’est limite, mais ça passe… Au moins ça descend !! Je changerai de spi quand j’aurai plus le bon angle ou quand je l’aurai éclaté….

Petit à petit, je rattrape quelques places…D’abord des vieux bateau pointus, puis quelques P3, très vite, je n’écoute plus le classement, ça n’a plus d’importance, je dois exploser quiconque apparaît à l’AIS… Pas de secret, pour ce faire, faut barrer…

Dans la dernière nuit, c’est pas le moment de faire des conneries, il faut réduire, surtout dans les sargasses qui te font des gros pièges, qui t’arrêtent le bateau, qui t’obligent à affaler, faire des marches arrière… La sargasse, c’est la tuile de plus… De fois, le tas d’algue est plus gros que le bateau, les safrans emmènent un paquet qui grossit à vue d’œil, ça gargouille et ça glougloute, la barre ne réagit plus que mollement, faut vite réduire ou faire une marche arrière, la corde à nœuds et les cannes à algues ne suffisent pas.

15 novembre

17è jour de course. L’arrivée…au final, j’ai doublé pas mal de bateau sur la fin, notamment certains de mes collègues d’entrainements… T’as beau avoir dormi 3h en 3 jours, t’es ivre de fatigue, mais l’excitation t’empêche de dormir… J’ai essayé de dormir le dernier matin, pas possible, je n’ai que reposé les yeux et le mental…

L’arrivée est quelque chose d’énorme, c’est un objectif depuis si loin… quand tu la passes, t’es encore seul… le port est loin. Tu réalises pas. Le bateau est en vrac, il faut l’emmener dans un port, lui faire faire des manœuvres, je prend un peu de temps pour tout ranger… l’occasion de lui dire merci, de se féliciter de ne pas tout avoir cassé, d’avoir quand même assez bien tout préparé. J’ai trainé, un peu, à tout ranger. « Rentrer au port bateau propre »… je me suis contenté de l’extérieur…

Est-ce que mes filles sont là ? Kizzy a-t-elle pu gérer le passeport de la petite ? OUI, super, elles sont là !!! Elles courent le long du quai… En criant « Papa », ouf ! J’espère que le voyage en avion n’a pas été trop rude…

Combien y a-t-il de mâts alu dans le port ? (trop, c’était évident) Mais moins que ce que je pensais…

Des gens m’ont accueilli avec un orque gonflable ! J’aime bien, ça, c’est drôle.

Comment as-tu vécu ta Mini ?

Cette Mini m’a semblé EXCEPTIONNELLE à plein d’égard :

UNE PREMIERE POUR MOI… MAIS DE L’EXPERIENCE QUI RASSURE :

  • J’avais l’expérience d’avoir déjà préparé des Transat pour les autres,

  • J’avais transaté 5 fois, la connaissance du large rassure, certaines choses de la vie quotidienne à bord étaient déjà acquises, repérées.

  • En tant que technicien, j’avais une bonne vision des avaries possibles. Même j’ai surestimé le risque d’avaries… (mon sac de matériel de rechange était lourd, très lourd, peut être top lourd.)

MALGRÉ CES EXPÉRIENCES, IL Y A BEAUCOUP D’ÉMOTIONS, mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, PAS SEULEMENT LE JOUR DU DÉPART.

C’est une émotion, une excitation, des questionnements qui reviennent, latents, constants, depuis le début des phases de préparation, ÇA MONTE PETIT à PETIT. Plusieurs moments m’ont marqués :

  • Les dernières bricoles au chantier Nath Yachting mi-août : denier pit-stop,

  • La « dernière » mise à l’eau avant la transat en septembre : la prochaine fois que je vois ma quille, c’est en chargeant sur le cargo, à Pointe à Pitre,

  • La fois où je déplie la carte « Route du Rhum » pour y tracer mes orthodromies… wouah, c’est grand, quand même !

  • L’arrivée aux Sables, devant la taille du village de course, encore un peu vide, mais immense, bariolé de couleurs, de drapeaux…

  • Le dernier aller-retour à la maison, quand j’emmène les filles à l’école, avant de filer aux “contrôles sécurité”…

Une Mini préparée sous contrainte temporelle

Une Mini sous contraintes du COVID, on a du faire des raccourcis, des impasses, plein de courses ont été annulées… Ça avantagé ceux qui, comme moi avaient étalé leur projets sur plusieurs années…

Une Mini en tant que Papa : Kizzy et moi avons deux enfants en bas âge… une fois à la maison, pas question de faire des routages ou de commander des pièces, il a fallu jongler avec notre rôle de parent, que l’on découvrait en même temps…

Une Mini engagée pour ne pas regretter

Depuis ma rencontre en 2004, avec Fab Desprès, ça faisait 16 ans que je tournais autour du pot, prenant de l’expérience, préparant les uns, navigant sur le bateau des autres… Il a fallu gagner sa vie, pour assumer un bateau, il a fallu grandir le marin, assurer ses arrières, pour les enfants, mais 2021 c’était le moment… J’allais faire MA Mini !

C’était aussi une Mini pour mon père, pour ma sœur, récemment disparus, parce que la douleur de leur départ m’a enseigné une évidence : on n’a qu’une vie, elle sera courte, autant la vivre sans regrets, en faisant ce qu’on aime…

Engagée, car lorsque je démarre le projet, je suis autofinancé, c’est lourd, c’est risqué… il a fallu 2 ans, pour se qualifier,

Plus tard, les soutiens techniques et financiers me permettent de m’inscrire, de courir, de m’entraîner… J’ai fait les bons choix, j’ai amorcé la pompe, on m’aide, ça avance, le projet prends de l’ampleur, du sens… On m’aide et on me suis… Une course en solitaire avec la solidarité des gens de mer, des copains, de la famille, de ma compagne… Je n’imaginais pas un tel engagement humain derrière moi !

En quoi étais-tu prêt ?

  • Je connaissais mon bateau sur le bout des doigts, après 4 ans, d’entretien par mes soins, je l’ai entièrement démonté, remonté, je l’ai étalonné, réglé…

  • Je savais faire marcher vite mon bateau dans à peu près toutes les conditions, j’ai fait des bons choix de voiles, achetées assez tôt pour les connaître.

  • Je savais faire face à pas mal d’aléas mécaniques,

  • J’avais assez bien anticipé ce qu’était la longueur des étapes, et la vie à bord correspondant.

À quoi n’étais-tu pas prêt ?

  • À me faire attaquer par des orques !

  • À n’avoir aussi peu d’information sur les adversaires au large,

  • À avoir derrière moi autant de gens, de soutien,

  • À gérer les émotions des autres au départ….

  • À gérer la logistique des uns et des autres autour du projet, notamment sur les escales et les étapes,

  • J’avais oublié d’étalonner mon baromètre !

Et si tu devais recommencer ?

  • Je repartirai sur un bateau neuf, plus cher à l’achat, peut être, mais moins d’entretien et directement adapté à mes attentes, moins de préparatifs, moins de bricoles,

  • J’irai chercher plus loin dans l’optimisation du poids embarqué et du matériel,

  • J’emmènerai moins de nourriture, qualifierai et quantifierai les repas de manière plus précise,

  • Je me joindrai plus vite aux groupes d’entrainement, pour optimiser mes navs, ce que je n’ai pu faire qu’en 2021…

  • Je me procurerai plus de documentation et d’outils d’analyses numériques, pour que mes routages avant courses soient plus précis.

 

Et la suite ?

Un film retraçant ma course en préparation…

Et un autre projet excitant à venir !

 
 

La Mini de Doule

en quelques chiffres

 

1ère étape : 18 ème bateau de série

Temps de course : 10j 21:11:40 (après jury)

Distances parcourues : 1336,6 NM sur l’orthodromie, 1584,7 NM sur le fond

2ème étape : 28ème bateau de série

Temps de course : 17j 02:47:00

Distances parcourues : 2562,3 NM sur l’orthodromie, 3032NM sur le fond

Classement général : 26ème sur 65 bateaux de série

Temps de course cumulé : 27j. 23:58:49 avec 1j 21:57:46 écart au premier série

Distances parcourues au total : 3898,9 NM sur l’orthodromie, 4616,7 NM sur le fond

 
Précédent
Précédent

Les questions de Jayanah, Malya, Scotty, Maïra et bien d'autres !

Suivant
Suivant

Dis Doule, il paraît que tu as rencontré des petites bêtes ?