J-5 avant le grand saut !

Crédit  : Mini Transat Eurochef 2021 - Vincent Olivaud

Crédit : Mini Transat Eurochef 2021 - Vincent Olivaud

Entretien à tête reposée, 5 jours avant le départ de la deuxième étape.

Doule, comment as-tu vécu cette première étape de la Mini Transat 2021?

Ça a été une super aventure de mer, doublé d’un gros défi sportif, je me suis régalé !


Cette Transat, je l'avais rêvée, imaginée, préparée. On s'est fait aider, conseiller, on s’est entrainés... J'avais croisé les infos, posé beaucoup de questions. 16 ans que je voulais la faire, 4 ans que j’ai mon bateau, une saison 2021 à quasi temps plein… Pas de doute, j’étais prêt !

Au départ aux Sables d’Olonne, j’ai su contenir et utiliser mes émotions, mais celles des autres étaient dures à contenir : Je me suis fait surprendre… Il a fallu se raccrocher au plan, à la perf, au schéma de la course.

Les premiers fronts, le près, la mer... on s’y attendait … Tout comme les bouleversements de hiérarchie sur les cotes Galiciennes, le Cap Finisterre, jusque là, c’était du connu : on état au contact, c’était de la régate, ‘uste un peu loin du bord.

A l’approche du front du 2 octobre, l’organisation nous a conseillé de nous arrêter, d’autres se sont vus demander de s’arrêter… Partir au près dans 40kt, ça me faisait pas peur, j’avais confiance dans mon bateau… mais ça fausse le jeu, c’est pas “fair”… le groupe de tête a décidé de se dérouter aussi, à Baiona.

Ma rencontre avec les orques a bien abimé mon bateau, ça m’a bien sollicité, j’ai dû me plonger dans la technique, dans la répa, ça a consommé beaucoup d’énergie, je suis reparti de Baiona sur les rotules.

Le long du Portugal, la météo n’était pas simple, la situation irrégulière, la flotte c’est resserrée, j’ai eu ni feeling ni réussite, c’était dur, il a fallu rester zen, prendre ça avec détachement, j’ai pris et appris sur moi !

Après, il y a eu une phase ou on ne voit plus personne à l’AIS, ou la VHF ne parle plus, j’ai adoré ! Enfin peinard… à faire marcher ton bateau, c’est tout… j’ai été très à l’aise, avec un bon rythme de sommeil/nourriture. Par contre, j’ai été un peu extrême dans ma stratégie, j’étais fâché d’être là, j’avais l’impression de “ramasser les bouées”

Sous Madère, en descendant, le vent s’est installé, avec mes barres abimées, il a fallu beaucoup barrer, je me suis bien arraché, j’ai quand même été vite, j’en ai doublé quelques-uns, ça m’a fait du bien

Sur le plan sportif, j’ai été déçu du résultat : je suis fâché contre moi-même, faché de n’avoir pas bien dosé mes prises de risques... quand t’es fatigué, t’es enervé, mais faut pas taper dans les coins !

Mais je suis arrivé à La Palma content de moi : j’ai fait les bons choix de voiles, de matériel embarqué, de quantité/qualité de nourriture, j’ai presque rien cassé de mon fait, j’ai pu réparer les coups des orques en autonomie.

Surtout j’ai pas vu passer les 11 jours : naviguer en solitaire et au large, j’adore, je me sens bien à bord.

Crédit : Mini Transat Eurochef 2021 - Vincent Olivaud

Tu nous racontes les premiers jours de course et comment tu t’es retrouvé en tête ?

4e à la bouée de dégagement... déjà c’était pas mal !

Dans la première nuit, après Rochebonne : dans la molle, tout le monde vire en babord vers le Nord Ouest et va chercher le front... C'était pas si franc ! J’ai fait 4 bords bien rapprochant, attendant la rotation gauche... J’ai beaucoup gagné sur l’axe parcours, à ce moment, j’étais premier, mais il fallait anticiper l’arrivée du Nord Ouest

Durant le deuxième jour, à l’approche du front, je vire un poil en retard et perd 2 ou 3M. Avec la rotation à venir, fallait être dans les premier à renvoyer. Ça a envoyé du lourd, toute la deuxième nuit ! 22 à 24kt de vent, sous 2ris/Solent/Genak, le bateau était super équilibré.

A Estaca de Barrès, la troisième nuit, je m'attends à un effet de pointe, j'y vais trop tôt : ça mollit, ça tamponne, je m'arrête, les autres s'échappent, je ne les vois plus, faut être solide, ne pas perdre pied !

Le long des cotes galiciennes, les quatrièmes et cinquièmes jours, il faut choper les petites brises de nuit, les vents catabatiques. Il n'y a plus que ça pour avancer, le front est en train de mourir, peu de chance d’av oir du thermique Angle rapide et bord rapprochant : avancer et vite, même si l'angle n'est pas super.
Il faut dormir quand il y a du vent, c’est dur, on ne maîtrise pas les phases de sommeil, on est près des côtes, il faut faire gaffe aux pêcheurs,

La cinquième nuit, devant iles Sisargas, je touche les premiers appel de SW
Cabo Veo, Cabo Vilan, Cabo Torinana, avec du sud-ouest, ça fait des bons effets de pointe.
Ca coûte seulement un contrebord de 2NM à 50° de la route, OK j’ vais !

Je vire au ras des cailloux, il y beacouop de lift, je navigue au près avec un angle de dingue.

Début du sixième jour à sortie du Cap Torinana, je touche du vent au 150 !
La route est au 205, si je me cale au 220, je porte gennak et vais à 7kt !
Tiens, en voilà deux à l'AIS.... Ils sont tribord, ça croise derrière... Jean 910 1,5NM... et Anne Claire 3NM ! La dernière fois que je l'ai vue elle était 8NM devant ! Julie et Léo croisent derrière ! Yessss

J'ai dû être le seul à choper le sud-est à la côte, puis j'ai eu le sud-sud-ouest en premier.
Eux, ils ont dû buter dans le DST et virer tribord avec un angle de pire en pire et se gêner les uns les autres aussi...

 

Comment as-tu vécu cette étape forcée ?

J'ai eu un gros sentiment d'injustice.

Pour la tête de flotte, via les bateaux accompagnateurs, la direction de course nous a « conseillé de nous arrêter". Dans le peloton, encore au nord du Cap Finisterre ils ont carrément dit "vous devez vous arrêter". Les messages diffusés étaient différents, entre version anglaise et française aussi. C’était confus !

D'abord, je me sentais d'abord capable d'emmener Stinkfoot dans 40 voir 50kt, surtout au près. Le bateau accompagnateur insistait sur le BMS mais je leur ai bien fait répéter : pas de neutralisation de la course… On était encore en course !

Ensuite, j'ai entendu les 15 adversaires que j’avais à l’AIS vouloir se dérouter et faire escale.. C’est bête de gagner par forfait, C’est pire encore de devoir abandonner pour avoir pété du matériel, seul, en mer, quand tout le monde est à l’abri. J’ai pensé aux enfants, à ma compagne… et aussi à Lucas qui m’achète le bateau !

Aussi, pour moi, si les 15 premiers s'arrêtaient, tout le monde s'arrêtait. C'était évident… ! Je me suis trompé !

À l'arrivée au port, il n'y avait plus de vent. On a mis longtemps à ranger les bateaux, trouver des places pour tout le monde.

Le lendemain matin, en empruntant un téléphone, on apprend que Melvin et Kristiaan ont continué. Les râleries vont bon train, mais j'ai plein de trucs à faire : il faut que je répare mon bateau, abîmé par les orques… la course est contre la montre, pour repartir, fiable net solide.

J'ai aussi vu que certains étaient contents que tout le monde s'arrête... alors qu'eux n'auraient pas pu continuer à 100%, quoiqu'il arrive, avec des réparations à prévoir.

Privé des fruits de mon hold-up du Cap Finistere, arrivé à Baiona avec un bateau cassé par des orques, avec un message de la direction de course ambigü, un compréhension de ce dernier variable entre les coureurs… donc, oui, j'ai trouvé ça injuste !

As-tu déposé une réclamation?

À La Palma, je n'ai volontairement pas pris part aux débats, je n'ai pas réclamé, peut être à tort.

J’ai préféré informer directement la direction de course, le jury, certains coureurs de mon incompréhension : ou commence et s’arrête l’assistance ? pourquoi formuler différemment un BMS ? pourquoi les bateaux accompagnateurs ont relayés des messages différents ?

D’un autre coté je comprends la direction de course qui s’inquiète de nous voir tous dans des conditions très musclées, il y a un risque. Il ne faut pas oublier que nous sommes sur des tous petits bateaux, et que le Cap Finistere peut être très violent.

Mais on reste des marins, libres de nos choix de prendre la mer ou non, c’est à nous de prendre les décisions…

NDRL au 21/10/21 : Considérant que le message donné aux coureurs était trompeur sur la nécessité ou l’obligation de s’arrêter, le jury à tranché : les 82 bateaux qui se sont arrêtés voient leur temps de course raccourci de 24h sur la première étape. Ça ne change pas trop l’ordre du classement, mais ça resserre fort les écarts avec les deux premiers...

Crédit  : Mini Transat Eurochef 2021 - Alexis Courcoux

Crédit : Mini Transat Eurochef 2021 - Alexis Courcoux

Comment abordes-tu cette deuxième étape ?

Le bilan de la première étape est lourd : beaucoup d'écart avec les premiers, un bateau abîmé, déréglé... J'ai fait le minimum pour laisser un bateau fonctionnel. Pas au top, mais fonctionnel.
Sur place à La Palma, c'était dur de s'y remettre : un peu de fatigue physique et psychologique dans les pattes. J'ai pris le large : je suis rentré m'occuper des enfants, de l'avenir post-transat, de la maison...
Comme ça lorsque j'y retournerai, je reconstruirai cet état d'esprit de nécessité, de devoir se concentrer sur l'essentiel, ne pas se disperser...

Mentalement, 19è, ce n'était pas satisfaisant. Je sais que je ne suis pas vraiment à ma place.
Alors j'ai tout à gagner. Il faudra faire du gagne-petit, de l'endurance, penser à la vitesse moyenne, économiser le bateau, les voiles, le marin...
Je sais faire, on sait tous faire, il faut juste trouver les curseurs "préservation" et "performance".
Bien les ajuster, il est là, le challenge : Attaquer sans tout casser, sans se cramer.

Il reste un océan à traverser !

Mécaniquement, j'ai du pas mal bosser.


L’attaque des orques a bien sollicité le bateau : barre de liaison cassée, palonniers de safrans, leurs axes et une rotule tordus. Le tableau arrière est bien abîmé, le palier de safran s'est imprimé dans le sandwich du tableau . J'ai pu réparer la peau intérieure à Baiona, mais pas l'extérieur. J'ai un safran fissuré aussi, qu'il faudra réparer.

Mais au-delà de l'attaque des orques, je n'ai pas eu d'avaries majeures : un petit lashing à refaire, un loop qui s'est décalé de sa position originale, un mauvais choix de gaine pour mon amure de spi... Trois petits bobos de rien du tout ! Stinkfoot est encore en forme, et j’ai la peau dure, et très envie de finaliser ce que j’avais commencé au début de la course !

Crédit : Mini Transat Eurochef 2021 - Vincent Olivaud

 

1 350 milles

Gaël Ledoux a franchi la ligne d’arrivée de la première étape de la Mini Transat, à Santa Cruz de La Palma, en 19ème position, samedi 9 octobre à 12h41'40" (heure française). Soit 11 jours 21 heures 11 minutes et 40 secondes après son départ des Sables d’Olonne.

Il reste 2800M à parcourir !

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